mercredi 24 avril 2013

OAXACA




Observant une chypriote grecque taper du poing sur la porte d’une banque, je me dis: «  ma belle il nous  reste un milliardième de seconde avant l’assaut final londonien contre  l’euro». A cet instant Je décide de sauver mon livret de développement durable.

Je relie alors  ma carte de crédit à un clavier d’ordi et je vais au distributeur à côté de la boulangerie, j’enfourne la carte, saisis le  code  et  plutôt que de demander 100 en coupures de 20 et 10 (ouais t’as le choix à celui-là c’est vachement pratique) je clique sur « autre somme ».

-      « Veuillez indiquer la somme »

Sur le clavier je tape :

-       « TOUT »
    A peine ai-je retiré mon engin de la fente que ça se  met  à cracher sans arrêt. Les billets tombent en liasses et le vent d’avril encore  citron  les disperse. Malgré l’heure matinale des gens affluent, des automobilistes  stoppent  net. Les types s’en foutent plein les poches et les femmes soulèvent leurs  jupes pour faire un panier. Andréa, le roumain qui fait la manche  à côté  de la boulangerie  bourre  son bénard en gueulant « viva la europ!»


Un type  balance sur tweeter « la porte est ouverte» avec « traduction instantanée ». Des mecs sautent  dans des avions de tous les coins de la planète. « the door is open», « la puerta esta abierta » « oh putain les gars on y va, on y va…. à Metz près d’une boulangerie on m’a dit »

A la vitesse de la lumière ils sont  là,  du Brésil et des Caymans,  du japon,  de Bolchovie orientale, du Katswana Démocratique  et de Villeneuve sur Lot, tu parles une porte ouverte…. en jet privé, en aéroski, en dirigeable,  en voiture à macaron, en papamobile. Ils gueulent « j’en veux, j’étais là avant, poussez-vous, vous en avez assez ! » les billets montent maintenant jusqu’au 5° étage  en une masse compacte que le vent ne pousse plus. Des costauds donnent des ordres, les flics font un cordon et n’arrêtent pas de se retourner pour qu’on leur remplisse le casque, l’affaire s’organise autour malgré les combats et ceux qui braillent « un peu de dignité tout de même », le boulanger  sort « la fournée de la porte ouverte » baguette à 10 000 euros, les riverains ouvrent portes et fenêtres pour se servir à même « la bête ». Andréa parle 14 langues, a racheté le garage contre lequel il s’appuie habituellement  et déjà le remplit avec l’aide de deux types embauchés sur la promesse d’un bénéfice supérieur à ce qu’ils pourraient mettre sur eux. Je tente de respirer,  plaqué contre la vitrine  de l’agence, agrippé au clavier, tétanisé à l’idée qu’ils vont me retrouver à cause du code.


Lorsqu’il  entend la nouvelle  Bernardo stoppe son camion benne et  descend. Il danse sur la route d’Oaxaca en chantant sur un air de cumbia «  va y a voir du cash, va y avoir du cash ! ». Avant de repartir il  entrouvre la bâche. Peu à peu la  poudre s’envole dans l’air chaud avant de blanchir les cactus et les agaves.


Même les crotales se sont pissés  dessus.



OAXACA - 2013 - 92x73cm